Cet extrait est tiré d'un entretien publié dans le numéro 64 de Retraite et société . L'entretien a été réalisé par Pierre-Marie Chapon (Icade et université de Lyon 3) et nous donne un aperçu des politiques, des réalisations et de l’aménagement urbain en faveur des personnes âgées au Royaume-Uni. Au moment de l'entretien, Jeremy Porteus était directeur du Housing Learning and Improvment Network (Housing LIN, Royaume-Uni) et auteur du rapport Living well at home inquiry au Parlement britannique et Roger Battersby était directeur opérationnel de PRP Architects (Royaume-Uni), il a été élu meilleur architecte en 2011 par The Daily Telegraph.
Jeremy Porteus, en 2008, le gouvernement britannique a défini une nouvelle approche du vieillissement et de l’hébergement des personnes âgées. Le point de départ a été le rapport « Un chez-soi pour la vie, un quartier pour la vie ». Qu’en est-il exactement et où en est-on ?
Jeremy Porteus : Le premier plan pour l’hébergement des aînés en Angleterre a été publié en 2008. Il disait explicitement que le pays n’offre pas aux seniors les choix dont ils ont besoin quand ils deviennent moins autonomes. Le rapport Un chez-soi pour la vie, un quartier pour la vie arrivait à la conclusion suivante : « Aujourd’hui la plupart de nos logements et de nos communautés ne sont pas en mesure de répondre à l’évolution des besoins des personnes vieillissantes. Trop souvent le choix se limite à des chambres en maison de retraite avec des soins à la personne, ou bien à des appartements indépendants en résidence avec services pour personnes autonomes. Pour faire simple, ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est une plus grande variété de types d’hébergement, et une meilleure qualité.
Tout le monde s’accorde à dire que, dans de nombreux cas, investir dans le logement des personnes vieillissantes revient à réduire la dépense de santé et de service aux personnes. J’ai récemment rédigé un rapport parlementaire (All Party Parliamentary Group) sur le maintien à domicile. Il en ressort qu’il faut mettre l’accent sur le développement et l’amélioration des services pour une majorité de seniors qui veulent avant tout rester à domicile. Il appelait également à de meilleurs choix en termes de nouveaux hébergements. Ce rapport incitait le gouvernement à modifier sa façon de penser ; il formait le vœu que les seniors soient au cœur de leur communauté grâce à des projets soucieux des aînés, des choix architecturaux et des politiques urbanistes qui mettent en œuvre le « bien vivre chez soi », en prévoyant des logements adaptés, y compris avec téléservices. Le gouvernement a pris en compte de nombreuses recommandations du rapport dans sa politique d’hébergement des personnes âgées de 2011, et un rapport complémentaire a été réalisé sur les communautés « amies des aînés », intitulé Des quartiers pour la vie. Selon ce rapport, des appartements attrayants offrent un choix de vie aux seniors ; ils s’adaptent en outre aux aléas de la vie en aidant les personnes fragiles, malades ou impotentes à rester à domicile.
Roger Battersby, vous êtes architecte, leader en Angleterre dans le domaine de l’habitat pour personnes âgées. En quoi le programme Lifetime homes, lifetime neighbourhoods influe-t-il sur votre travail ? Quels sont les principaux défis que vous devez relever ? Pouvez-vous nous donner des exemples de vos réalisations ?
Roger Battersby : Le concept de « logements pour la vie » a été inventé au début des années 1990 par la fondation Joseph Rowntree. Il s’agissait de répondre aux problèmes de normes spatiales et d’accessibilité pour les logements ordinaires, et à l’accessibilité des personnes à besoins spécifiques qui n’était, en général, pas prise en compte. Les normes proposées incluaient six critères de conception architecturale destinés à rendre le logement « adapté », c’est-à-dire capable de répondre le plus largement possible à toutes sortes de difficultés physiques ou sensorielles et, par conséquent, à l’évolution des besoins de personnes vieillissantes.
La réaction n’a pas été immédiate au niveau local mais, au cours des dernières années, ces normes ont été acceptées et appliquées plus amplement par les constructeurs, notamment ceux du secteur public.
Le concept de Lifetime neighbourhoods est plus récent. Il étend l’accessibilité à l’environnement du logement, tant dans la conception de détails qui facilitent l’accès que dans une prise en compte plus large de l’accès aux moyens de transport et à des services qui deviennent nécessaires lorsque l’on vieillit. Le gouvernement de coalition a adopté ce concept dans sa politique de l’habitat qu’il a récemment publiée. Au cours de ces derniers mois, un rapport sur les Lifetime neighbourhoods a été publié.
Ces politiques ont eu un effet limité sur notre travail d’architectes pour l’habitat des seniors pour deux raisons : premièrement, les normes que nous appliquons pour la réalisation de logements dédiés aux seniors sont généralement plus strictes en matière d’accessibilité que les préconisations de « logements pour la vie ». La plupart de nos projets respectent les normes pour handicapés moteurs, plus coûteux en termes d’espace et d’accessibilité. Deuxième raison qui concerne le quartier : la plupart de nos réalisations sont implantées sur des sites que nos clients ont sélectionnés et, par conséquent, nous n’avons pas beaucoup d’action sur la pertinence du choix du site ou la qualité de son environnement. Lorsque nous sommes engagés dans des programmes de grande ampleur, comme des villages de retraités, nous nous trouvons alors en position d’imposer le concept « quartiers pour la vie » comme base de travail. Ce concept est davantage destiné aux décideurs et il est à souhaiter que les collectivités et les responsables locaux vont, dans leurs plans de constructions, prévoir des logements spécifiques, au cœur des quartiers, dans lesquels les seniors pourront être totalement intégrés à la communauté.
Vous pouvez retrouver la totalité de cet entretien dans le numéro 64 de Retraite et société.