Cette étude vise à dénombrer le nombre d’assurés concernés par le non-recours au dispositif de retraite anticipée pour carrière longue, à analyser les caractéristiques individuelles de ces derniers et à identifier les déterminants qui pourraient expliquer ce non-recours.

Avec la hausse de l’âge légal de départ à la retraite, entamée par la réforme des retraites de 2010 avec un passage de 60 à 62 ans, et poursuivie par la réforme de 2023 avec une nouvelle hausse de 2 années pour atteindre 64 ans à terme, le dispositif de retraite anticipée pour carrière longue (RACL), créé en 2004, n’a cessé d’être assoupli afin de permettre à une partie des assurés de partir à la retraite avant l’âge légal de droit commun s’ils ont commencé à travailler jeune et ont cotisé la majeure partie de leur carrière.

Alors qu’environ 150 000 assurés du régime général partent en retraite anticipée pour carrière longue chaque année depuis 2013, un certain nombre décident de partir à l’âge légal de droit commun ou après, alors même qu’ils remplissaient les conditions pour prétendre à un départ en RACL. L’analyse des départs des générations 1953 à 1956 montre que 30 % des assurés pouvant prétendre à un départ en RACL ne le font pas (cette part serait de 25 % sur le champ des monopensionnés, pour lesquels l’information des périodes assimilées est effectivement disponible). Ainsi, environ 75 000 à 80 000 assurés supplémentaires pourraient partir en RACL chaque année1.

Les assurés qui ne recourent pas à leur droit de partir en retraite anticipée sont principalement des femmes, nées à l’étranger, avec un niveau d’étude élevé (cadre), polypensionnés ou encore qui ont atteint tardivement les conditions de départ en RACL.

Ces résultats permettent de fournir les probables raisons du non-recours au dispositif. Serait-ce lié à une méconnaissance des droits des assurés ou bien un choix rationnel volontaire de leur part (maintien de salaire, accès à la surcote, autre raison familiale…) ? La forte proportion d’assurés qui liquident à l’âge légal de droit commun parmi ces non-recourants et donc l’absence de gain significatif de pension lié au recul de départ tendraient à justifier une certaine méconnaissance des droits de la part des assurés.

Par ailleurs, le recours au dispositif devrait évoluer avec la réforme des retraites de 2023 qui rehausse l’âge légal de droit commun de 62 à 64 ans. La hausse de cette borne et l’assouplissement du dispositif vont mécaniquement augmenter le potentiel d’assurés éligibles à une RACL par rapport à une situation hors réforme. D’un côté, la hausse de l’âge d’ouverture des droits devrait tendre a priori à une hausse du recours au dispositif (partiellement observée entre le taux de recours pour la génération 1953 versus les générations 1955/1956) mais d’un autre côté, l’élargissement de la hausse de l’âge de début d’activité pourrait à l’inverse minorer le recours compte tenu du profil des assurés non-recourants (cadres).

  1. Cette étude a été présentée le 7 mars 2024 dans le cadre du groupe de travail du Conseil d’orientation des retraites (COR) consacré au thème des départs anticipés (pré-retraites, ruptures conventionnelles, carrières longues et retraite progressive). ↩︎